En 1968, les régimes par répartition de retraite et d’assurance maladie sont nés pour les seuls salariés sur le modèle de la sécurité sociale. Progressivement la Polynésie a amélioré son système de protection sociale notamment avec les accords tripartites de 1987.
En 1995, c’est la mise en place de la Protection Sociale Généralisée dont la CPS assure la gestion.
La PSG, à travers ses 3 régimes, couvre toute la population dont elle gère les risques (maladie, accident du travail, vieillesse, famille, handicap et pauvreté extrême).
Le système est très généreux car il a été mis en place dans une période de forte croissance démographique associée à une forte croissance économique (les 30 glorieuses en France et la période du CEP ici).
Avec la crise économique et surtout l’évolution de la démographie (baisse de la natalité – augmentation de l’espérance de vie), ce modèle vit une crise. La population vieillit et donc les besoins de protection des personnes âgées augmentent (retraite, maladie et demain dépendance). La population est légitimement plus exigeante en termes de qualité de la protection (qualité des soins, meilleur confort de vie des personnes âgées….).
Entre 1968 et 2013, l’espérance de vie est passée de 60 à 75 ans et il n’y a plus que 2,5 actifs cotisants par retraité contre 7 il y a 20 ans. Ces 2,5 actifs doivent financer 15 ans de retraite et de soins de plus que les 7 d’il y a 20 ans.
L’équation n’est pas facile à résoudre sachant que la protection sociale pèse à plus de 75 % sur le travail qui ne représente que 57 % du PIB.
En conséquence, les deux branches principales que sont la maladie et la vieillesse ne peuvent plus être financées selon les règles actuelles.
L’assurance maladie
Aujourd’hui le coût total de la maladie en Polynésie dépasse les 70 milliards, dont 45 milliards financés par le travail (cotisations et CST) et environ 7 milliards directement payés par les polynésiens (ticket modérateur notamment). La moitié de ces dépenses sont liées aux longues maladies (diabète, cancer….) causées généralement par une mauvaise hygiène de vie. La prévention n’est actuellement que peu efficace et ne produira d’effets que dans 20 ou 30 ans.
Si tous les polynésiens doivent être égaux devant la maladie ce qui est à peu près le cas, le mode de financement actuel est inadapté.
Les pouvoirs publics ont la responsabilité vis à vis de la population en matière d’offre de soin et n’accepteront jamais de renoncer à leurs prérogatives de décision sur la santé.
Aujourd’hui, ils sont dans une position confortable : ils décident sans se préoccuper de qui va payer.
En conséquence, le principe de l’universalité de l’accès aux soins suppose un financement par l’impôt.
Le plus juste pourrait être une CSG (pouvant être progressive) se substituant totalement aux cotisations et à la CST sauf pour ce qui concerne les indemnités journalières des salariés pour la maladie et la maternité. La CSG serait universelle et porterait sur tous les revenus (travail et locations, placements…) de manière égalitaire. En élargissant ainsi l’assiette de prélèvement, les taux prélevés seraient plus faibles avec pour conséquence, une baisse du coût du travail favorable à l’économie et aux ménages. Les ajustements de taux de prélèvements seraient beaucoup moins douloureux qu’actuellement.
Concernant les dépenses, le système actuel est inflationniste puisque, plus les patients sont malades, plus les professionnels de santé gagnent (une épidémie type Zika coûte 400 Millions). C’est le principe de la rémunération à l’acte. Il faudrait s’orienter vers une rémunération en grande partie forfaitisée des professionnels, comme en Allemagne ou en Italie. Ce mode de rémunération des professionnels réduirait fortement la multiplication d’actes ou d’examens inutiles et souvent couteux. Ceci implique la mise en place du médecin référent sur le choix duquel l’assuré s’engagerait pour 1 an par exemple.
De plus, la CPS rembourse plus de 10 000 médicaments alors que l’OMS et de nombreuses études montrent que seul un petit millier ont une réelle efficacité. La liste des médicaments remboursés serait à revoir. La Polynésie a 5 importateurs de médicaments, publics et privés, trop petits pour avoir une vraie puissance de négociation, sachant que la réglementation du prix du médicament n’incite pas les acteurs privés à chercher une baisse de prix. Un travail de réforme pourrait faire gagner quelques milliards. En Nouvelle Calédonie, l’arrivée d’un acteur mutualiste a fait baisser les prix de 15 % il y a quelques années. Enfin, l’hôpital, les établissements de soins privés mériteraient d’être regardés de plus près pour une gestion plus efficace et plus économe.
Une telle réforme nous conduit forcément vers un régime unique dont la gouvernance devrait être complètement revue.
La retraite
Le système de retraite polynésien est un régime par répartition. Les cotisations de l’année servent à payer les pensions de retraite de l’année. Elles ne constituent pas une épargne des cotisants actuels pour le futur. Il pourrait très bien être décidé un jour d’y mettre fin et ceux qui auraient cotisés pendant de nombreuses années n’auraient droit à rien.
On pouvait déjà anticiper les déficits futurs, le nombre de retraités et les pensions de retraite versées augmentant chaque année.
En 1999, il aurait fallu procéder à une première réforme, mais à l’époque, les comptes financiers affichaient des excédents confortables (réserves) et les responsables syndicaux, politiques et patronaux se voilaient la face quant à l’avenir.
Seule la confédération A TIA I MUA proposait notamment l’allongement de la durée de cotisation et la limitation des départs anticipés sans succès. Proposition, certes fort peu populaire.
Le déficit du régime aujourd’hui, c’est à dire l’écart entre les cotisations reçues et les retraites versées est de 6 milliards par an et ne cesse de s’aggraver. Les réserves qui avaient été constituées seront épuisées en 2015 si rien n’est fait. Sans réforme et sans augmentation des cotisations, il faudrait créer 6000 emplois nouveaux tout de suite pour équilibrer le système alors que seulement 2500 jeunes arrivent par an sur le marché du travail. Et une fois que tous les chômeurs auraient trouvé un emploi, il faudrait faire venir 3500 immigrés chaque année ce qui n’est pas viable tant au plan culturel qu’au plan économique.
Les décisions récemment prises par le conseil d’administration de la CPS ne font que remettre le système en phase avec la démographie - durée de cotisation allongé à 38 ans, départ anticipé interdit avant 55 ans, calcul de la pension basé sur une période plus longue (10 meilleures années dans les 15 dernières) - devront régulièrement être réévaluées en fonction de la démographie.
La mise en place d’un régime par capitalisation est une fausse bonne idée.
La crise financière a jeté dans la misère des millions de retraités qui touchaient des pensions versées par capitalisation notamment aux USA obligeant les retraités de tous âges à reprendre un travail pour survivre. Au plan économique, l’épargne de la capitalisation (30 milliards/an), placée sur les marchés financiers internationaux, manquerait cruellement à l’économie polynésienne, alors que les pensions de retraite par répartition sont, elles, directement dépensées dans l’économie locale.
Enfin, pour mettre fin aux rumeurs, le coût de fonctionnement de la CPS est inférieur aux déficits actuels et avec un coût de 4,5 % des sommes gérées, il se situe en dessous du coût des caisses privées. Et, même si des efforts de gestion peuvent être faits, il ne faut pas remettre en cause le service aux usagers.
Les réformes sont indispensables pour conserver notre protection sociale.
Elles seront impopulaires, le système devenant moins généreux.
Il faudra enfin piloter le système à vue en s’adaptant aux évolutions économiques et sociales avec le souci de préserver le niveau élevé de protection sociale existant.
L’autonomie législative dont bénéficie la Polynésie française devrait permettre de trouver des solutions originales qui pourraient, peut-être, servir d’exemple ailleurs.
Yves LAUGROST
Trésorier de A TIA I MUA
Représentant de A TIA I MUA au Conseil d’administration de la CPS.